La Cour de Cassation, par deux arrêts du même jour, clarifie la notion de parasitisme.

La première affaire concerne un litige entre Maisons du Monde et Auchan, l’enseigne de décoration reprochant aux hypermarchés de commercialiser des tasses et des bols reproduisant un décor créé par son bureau d’étude de style, trois ans auparavant.

Citant sa jurisprudence antérieure, la Cour de Cassation rappelle que :

  • Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Com., 16 février 2022, pourvoi n° 20-13.542 ; Com., 10 juillet 2018, pourvoi n° 16-23.694, Bull. 2018, IV, n° 87 ; Com., 27 juin 1995, pourvoi n° 93-18.601, Bulletin 1995, IV, n° 193).
  • Il appartient à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque (Com., 26 juin 2024, pourvoi n° 23-13.535 ; Com., 20 septembre 2016, pourvoi n° 14-25.131, Bull. 2016, IV, n° 116), ainsi que la volonté d’un tiers de se placer dans son sillage
  • Le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit (Com., 5 juillet 2016, pourvoi n° 14-10.108, Bull. 2016, IV, n° 101)
  • Les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme (1re Civ., 22 juin 2017, pourvoi n° 14-20.310, Bull. 2017, I, n° 152).

 

Ces rappels étant faits, elle approuve la Cour d’Appel de Rennes d’avoir rejeté la demande indemnitaire de Maisons du Monde après avoir relevé que :

  • l’image dont Maisons du Monde revendiquait la paternité, était composée de clichés disponibles en droit libre sur internet
  • Maisons du Monde n’était titulaire d’aucun droit de propriété intellectuelle sur les éléments de décor litigieux
  • la reproduction par Auchan n’était pas servile
  • Maisons du Monde n’était pas la seule à avoir exploité ce type d’éléments de décor qui n’étaient pas emblématiques des produits de cette catégorie

Elle note que les éléments retenus par la Cour d’Appel font ressortir que la société Maisons du Monde n’avait pas produit de valeur économique identifiée et individualisée. Dès lors, elle ne pouvait se prétendre victime d’actes de parasitisme de la part du distributeur Auchan.

Cass com 26 juin 2024 n°23-13535

Pour la Cour de Cassation, aucun acte de parasitisme ne peut être retenu en l’absence de valeur économique identifiée et individualisée établie par celui qui s’en prétend victime.

C’est ce qu’elle confirme dans un second arrêt du même jour dans une affaire opposant Décathlon aux sociétés Intersport et Phoenix.

La société Décathlon leur reprochait des actes de concurrence parasitaire résultant de la commercialisation par Intersport, d’un masque subaquatique s’inspirant de son masque « Easy breath », conçu et commercialisé par ses équipes, et qui constituait un produit phare de l’enseigne, était connu d’une large partie du public en raison de lourds investissements publicitaires et rencontrait un grand succès commercial.

Pour Décathlon, cette commercialisation par Intersport et Phoenix manifestait, de leur part, la volonté de se placer dans son sillage pour bénéficier du succès rencontré auprès de la clientèle par son masque subaquatique, un lien se faisant entre les deux masques du fait de leur aspect global.

La Cour d’Appel de Paris confirme que ces faits sont constitutifs de parasitisme.

La Cour de Cassation approuve cette analyse.

Elle relève que la juridiction d’appel ne s’est pas bornée à déduire l’existence d’actes de parasitisme de la reprise d’un concept ou des seuls éléments fonctionnels du masque commercialisé par Décathlon, mais a caractérisé la faute de parasitisme des sociétés concurrentes qui ont indûment capté la valeur économique identifiée et individualisée, fruit des investissements de Décathlon.

Comme dans l’arrêt précèdent, elle rappelle sa jurisprudence antérieure et met l’accent sur la valeur économique individualisée qu’elle ne définit pas mais qu’elle illustre en rapportant les différents critères retenus par la Cour d’Appel :

  • la grande notoriété du masque de Decathlon,
  • la réalité du travail de conception et de développement sur plusieurs années,
  • le caractère innovant de la démarche
  • les investissements publicitaires conséquents
  • la succès commercial rencontré par Décathlon grâce à ce produit phare

Les société Phoenix et Intersport ne justifiaient d’aucun travail de mise au point ni de coût exposé relatifs à leur propre produit commercialisé au moment même où celui de Décathlon rencontrait un fort succès ce qui caractérisait leur volonté délibérée de se placer dans le sillage de Decathlon pour bénéficier du succès rencontré par son masque subaquatique.

Elles ont ainsi bénéficié, sans aucune contrepartie ni prise de risque, d’un avantage concurrentiel évident.

Cass com 26 juin 2024 n°22-17647 22-21497