Contraints de fermer leur fonds de commerce en raison des mesures prises par le gouvernement pendant la crise sanitaire, certains locataires ont cessé de régler leurs loyers.

Assignés par leur bailleur, ils ont fait valoir plusieurs arguments qui ont été abordés dans les précédentes newsletters, pour justifier de ne pas avoir réglé le loyer de leur local commercial.

En résumé, ils ont soulevé que l’impossibilité d’utiliser leurs locaux était assimilable à une perte de la chose louée, que l’absence de fourniture par le bailleur d’un local exploitable constituait une inexécution de son obligation de délivrance comme celle d’assurer la jouissance paisible du bien, ou encore un cas de force majeure leur permettant de s’exonérer du paiement du loyer.

La Cour de Cassation a mis un terme au débat par trois arrêts rendus le 30 juin 2022.

Elle a jugé :

  • Qu’il n’y avait pas eu de perte définitive de la chose louée par l’effet des mesures administratives prises par le gouvernement pour ordonner la fermeture des établissements non essentiels recevant du public. La Cour a relevé que cette interdiction avait été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique et que l’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne pouvait donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil.
  • Que l’effet de la mesure administrative générale et temporaire de fermeture des commerces n’était pas imputable au bailleur mais au législateur, de sorte qu’il ne pouvait être reproché au propriétaire, un manquement à son obligation de délivrance
  • Que le locataire ne pouvait invoquer à son profit, la force majeure puisque le bailleur avait fourni un local en lui-même exploitable et que le preneur reconnaissait qu’il n’était pas dans l’impossibilité d’exécuter son obligation de payer le loyer.

Selon la Haute Juridiction, il résulte de l’article 1218 du code civil que le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ni la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.

(Cass. 3e civ 30 juin 2022 n° 21-20190)

(Cass 3e civ 30 juin 2022 n° 21-20127)

(Cass 3e civ 30 juin 2022 n°21-19889)

Il est permis de penser que ces positions de la Cour de Cassation ne sont pas sans lien avec le souci de tenir compte des aides publiques (fonds de solidarité notamment) comme des suspensions de loyers sans pénalités dont ont pu bénéficier les locataires pendant la période de crise sanitaire.