Un arrêt de la Cour de Cassation du 26 février 2025 illustre les contours du devoir d’information précontractuel institué par l’article 1112-1 du code civil *.

Les faits à l’origine de cet arrêt sont les suivants :

Une société signe avec les associés majoritaires d’une société cible, une lettre d’intention portant sur la cession de cette société pour un prix estimatif, non définitif, de 12,5 millions d’euros.

Il est précisé que ce montant a été déterminé sur la base des bilans comptables de la cible pour les trois derniers exercices et du bilan comptable détaillé pour l’année 2018, transmis par les cédants, à partir desquels a été fixé un EBITDA normatif pondéré multiplié par cinq pour apprécier la valeur de la société.

Un audit des comptes par l’acquéreur intervient dont il ressort, selon l’auditeur, une insuffisance de dotation des provisions pour créances douteuses.

La société candidate à l’acquisition propose alors un réajustement du prix de cession. Les cédants refusent et rompent la négociation.

Le candidat acquéreur les assigne pour obtenir une indemnisation des conséquences dommageables, selon lui, de cette rupture en invoquant des manquements à l’obligation de négocier de bonne foi et à l’obligation d’information précontractuelle.

La Cour d’Appel de Rennes rejette cette demande.

Elle relève :

  • qu’il a eu accès à toutes les informations nécessaires lui permettant d’apprécier le pourcentage de dépréciation appliqué par l’entreprise aux créances douteuses, dans le cadre de l’audit (comptes annuels des quatre derniers exercices de la société cible, comportant notamment les comptes détaillés et les annexes)
  • que les investigations approfondies entreprises ont été prévues dès la signature de la lettre d’intention puisqu’y était indiquée une réalisation des audits de due diligence,
  • qu’une salle de données et un système de questions/réponses a été mis en place,
  • qu’a été adressée au candidat acquéreur une liste indiquant, pour chaque client, les caractéristiques des créances et la dépréciation appliquée,
  • que l’auditeur mandaté a pu se livrer à toutes les investigations nécessaires pour conclure que le taux de dépréciation retenu dans les comptes de la société cible lui paraissait insuffisant et qu’il lui semblait que devait être appliqué un taux moyen beaucoup plus important, allant jusqu’à 100 % pour certaines créances.

Ces constatations étant faites, le Cour conclut que les cédants, en mettant à disposition l’ensemble de ces éléments, n’avaient pas manqué à leur devoir d’information précontractuel.

L’appréciation différente de la dépréciation à opérer sur les créances douteuses ne traduisait qu’une divergence de vue et non un défaut d’information de la part des cédants.

La Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel : ayant pu constater que la société avait eu accès à l’ensemble des informations comptables relatives aux créances douteuses et avait été mise en mesure d’en apprécier la valeur, la cour d’appel a valablement retenu que les cédants n’avaient pas manqué à leur obligation d’information précontractuelle, dès lors qu’étaient sans emport les divergences des parties à la négociation sur la fixation du taux de dépréciation de ces créances.

(Cass. com. 26-2-2025 n° 23-18.119) 

Il ressort de cette jurisprudence qu’une divergence de vue sur la situation financière de l’entreprise ne peut caractériser un manquement au devoir précontractuel d’information si des éléments suffisants concernant les points discutés ont pu être consultés dans le cadre de l’audit.

Les conditions de l’audit sont donc déterminantes pour apprécier le respect par le cédant de son devoir d’information.

* Article 1112-1 du code civil

Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.