Le secret des affaires fait l’objet d’une protection spécifique par L151-1 du code de commerce.
Cette protection comporte cependant plusieurs limites édictées par les articles L 151-7 et L 151-8 du code de commerce.
Notamment, le secret des affaires n’est pas opposable lorsque sa divulgation est intervenue pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, un fait ou un comportement répréhensible.
L’affaire qui suit en est une illustration :
Dans le cadre d’un litige entre plusieurs sociétés de vente à emporter de pizzas pour concurrence déloyale, l’une, la société Domino’s Pizza, demande à être indemnisée pour son préjudice moral en raison de la production d’une pièce par ses adversaires qu’elle estime couverte par le secret des affaires.
La pièce litigieuse était un guide d’évaluation des points de vente contenant de nombreux conseils pour permettre, aux franchisés du réseau du demandeur, d’améliorer la qualité de leur gestion et la rentabilité de leur point de vente.
La Cour d’Appel de Paris confirme que ce document est bien couvert par le secret des affaires.
Pour aboutir à cette conclusion, elle relève qu’il constituait un vecteur de transmission du savoir-faire distinctif du franchiseur et qu’il contenait des informations ayant une valeur commerciale effective ou potentielle, généralement non connues ni même aisément accessibles pour les personnes familières de ce type d’informations, dans le secteur d’activité de la fabrication et de la vente à emporter de pizzas.
Elle fait donc droit à la demande d’indemnisation de la société Dominos’s Pizza considérant que la production de ce guide par ses adversaires qui ne pouvaient ignorer son caractère confidentiel puisqu’il était mentionné au bas de chaque page, était fautive.
La Cour de Cassation approuve la juridiction d’appel d’avoir considéré que la pièce litigieuse était couverte par le secret des affaires mais censure sa décision pour avoir accordé à Dominos’Pizza, un dédommagement.
Elle reproche à la Cour d’Appel de n’avoir pas recherché, comme elle y était invitée par certaines parties au litige, si la pièce litigieuse était indispensable pour prouver les faits allégués de concurrence déloyale et si l’atteinte portée, par son obtention ou sa production, au secret des affaires de la société Domino’s Pizza n’était pas strictement proportionnée à l’objectif poursuivi.
Pour fonder sa décision, la Cour de Cassation rappelle :
- d’une part, que selon les dispositions de l’article 151-8 3° du code de commerce, le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national
- et que, d’autre part, il résulte de l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments couverts par le secret des affaires, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Cass com 5 juin 2024 n°23-954
En résumé : le secret des affaires n’est pas absolu ; il peut y être porté atteinte lorsque qu’existe un intérêt légitime, reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national, à protéger à condition toutefois que cette atteinte soit indispensable pour prouver les faits allégués et proportionnée au but poursuivi.