L’hébergeur est-il tenu d’une obligation générale de surveillance des informations qu’il stocke ?
S’estimant victime, depuis mars 2021, d’annonces frauduleuses usurpant son identité, diffusées sur le site leboncoin.fr, une société a assigné l’hébergeur de ce site afin d’obtenir la cessation de la diffusion d’annonces faisant apparaître sa dénomination sociale, son RCS et son IBAN aux fins d’établir de faux devis, fausses commandes, portant sur la commercialisation de ses produits.
L’hébergeur est condamné, sous astreinte, par la Cour d’Appel de Lyon, à supprimer et à bloquer l’accès de ces annonces sur le site leboncoin.fr.
Il conteste cette condamnation aux motifs qu’elle le contraindrait à procéder à une appréciation autonome du contenu des annonces litigieuses afin de déterminer si celles-ci utilisent les éléments spécifiés et lui imposerait une obligation excessive de surveillance, illimitée dans le temps.
La Cour de Cassation lui donne raison.
Elle rappelle les dispositions applicables (article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 en ses dispositions I.2, I.5 et I.7, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020) selon lesquelles si l’autorité judiciaire peut prescrire, en référé ou sur requête, à tout hébergeur ou tout fournisseur d’accès à des services de communication au public en ligne, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un tel service, elle ne peut soumettre cet hébergeur ou ce fournisseur d’accès à une obligation générale de surveillance des informations qu’il transmet et stocke ou de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites, qui l’obligerait à procéder à une appréciation autonome.
Au regard de ces textes, la Haute Juridiction considère que la Cour d’Appel ne pouvait mettre à la charge de l’hébergeur un dispositif, non seulement, illimité dans le temps mais aussi qui, portant sur d’éventuelles annonces à venir, aboutirait à le soumettre à une obligation générale de surveillance des informations stockées, l’obligeant à une appréciation autonome du contenu de ces annonces (Cass com 27 mars 2024, 22-21586)